Série pour comprendre la réforme du lycée pro (et faire connaître tout simplement le lycée pro) #Episode3
Ma série pour comprendre la réforme du lycée pro #Episode3
Retrouvez l’épisode 1 ici. Et l’épisode 2 là.
Comprendre le bac pro
Une autre option s’offre au collégien réfléchissant à rejoindre le lycée pro : le bac pro.
Le bac pro est le dernier des bacs. Il a été créé en 1985. Il a permis de réaliser la promesse de démocratisation du bac et le chiffre symbolique de 80% d’une classe d’âge au bac. Il permettait au titulaire du CAP ou BEP (selon les métiers) de pouvoir poursuivre ses études pendant 2 ans, et d’obtenir la clé d’entrée dans l’enseignement supérieur (parce qu’un bac est un bac, avec toute la symbolique que lui met la République qui s’est quand même beaucoup construite sur l’école).
Si on regarde un peu finement qui a le bac aujourd’hui par générations, on se rend compte que la proportion de titulaires d’un bac général n’a pas bougé depuis les années 60. Si on peut parler de 80% d’une classe d’âge au bac, c’est grâce au bac pro, c’est en quelque sorte la reconnaissance pour les classes populaires.
Sous la présidence de Sarkozy, il y a eu volonté de « revaloriser la voie professionnelle » (c’est récurent, le seul qui savait de quoi il parlait de l’avis unanime de tous, c’est Jean-Luc Mélenchon quand il était ministre de l’enseignement professionnel). Pour cela, il a prôné l’alignement de la durée de la formation de 4 ans (CAP ou BEP + bac pro) à 3 ans.
Ca a donné lieu à de très longs débats au sein du lycée pro que je vous résume parce que c’est important pour comprendre les débats d’aujourd’hui sur la réforme Blanquer.
Les partisans disaient que aligner le bac pro sur les 2 autres bacs (pro et techno) le mettaient à égalité et permettait de communiquer auprès des familles au moment de l’orientation de 3ème de façon égalitaire. Pour chaque élève, 3 options possibles, de la même durée, avec le bac au bout, qui permet tous 3 un accès à l’enseignement supérieur. Des passerelles facilitées entre les 3 bacs car potentiellement après une seconde générale ou technologique, possibilité de rejoindre une 1ère bac pro.
Les sceptiques soulignaient l’année en moins de formation qui compte quand le principal enseignement est lié à la pratique. Pour réussir un damier en ébénisterie, il faut faire le geste 10 fois. Pour réussir une épilation, il faut que la main puisse refaire le geste aussi instinctivement que le vélo. Pour changer une personne âgée en maison de retraite, et parfois le découvrir au seuil de la mort, avoir un peu plus de 15 ans peut aider. Et avec un an de formation en moins, ça fait moins de stage et moins de cours, donc moins de pratique.
Les sceptiques alertaient aussi que certains élèves s’arrêtaient au CAP ou BEP car ils en avaient assez, pouvaient bosser avec ça, et n’avaient pas forcément le niveau pour passer le bac. Et qu’il allait être difficile d’emmener tout le monde au bac. Même pro.
Bref, on est passé au bac pro 3 ans.
Bref, les programmes ont changé (c’était pas mal, franchement, ils dataient) et en lettres on a vu apparaître des sujets d’études hybrides à mi chemin entre les lettres et la philosophie.
Ah oui ! J’ai oublié de vous dire que le bac pro est le seul bac à ne pas bénéficier de cet enseignement pourtant si nécessaire pour se connaitre soi et réfléchir.
Donc à côté des savoirs pratiques et théoriques de l’enseignement professionnel, l’élève de terminale bac pro était invité, pour son épreuve de français se déroulant le même jour que l’épreuve de philo, à rédiger un texte argumenté à partir d’oeuvres et de lectures personnelles ou vues en cours, à des sujets portant sur « Identité et diversité », « La parole en spectacle », « L’homme et son rapport au monde au XXe siècle ».
Par exemple, dans « La parole en spectacle », on analysait la parole politique, son pouvoir de manipulation, la nécessité de la décoder. Pour ne pas se faire piéger à des discours faciles. En fait, on abordait de façon différente la rhétorique. Aborder la rhétorique, c’est aborder la question du pouvoir. Du pouvoir des mots qui peut entraîner les foules. Pour le meilleur comme pour le pire.
Mais rassurez vous. Dans les années à venir, on va revenir aux fondamentaux, nous promet-on dans les programmes. Avec une heure par semaine de lettres en terminale, on va effectivement avoir le temps de n’enseigner que la langue formelle, le sujet-verbe-complément et les accords.
Plus d’argumentation.
Plus de réflexion.
Plus de textes forts.
Mais, les classes populaires en ont-elles besoin pour être des ouvriers?
PS : dans l’épisode 4, on parlera plus en détails de la réforme